Bien à Bienne : A tort ou à raison

A tort ou à raison

08/05/2012 | A tort ou à raison

L'autre jour, j'ai eu le plaisir de discuter deux mots avec une jeune maman indoue.
Afin de dissiper un éventuel malentendu, je précise que je suis la grand-maman.
Là, elle me regarde comme si je la prenais pour une arriérée et balançe:
-J'avais remarqué.
Ensuite, je lui demande le nom de son enfant et elle me dit (j'ai oublié) un joli prénom indi.
-Parce que je suis indoue! Rajoute-t-elle.
J'ai faillit dire que j'avais remarqué.
Mais bon. Je constatais qu'elle étais sur la défensive, naturellement.
Comme une sorte de fonctionnement habituel. Une manière de se protéger, peut-être.
Enfin, quelque chose qui n'avait qu'un fort lointain rapport avec votre serviteuse.
Et puis, aujourd'hui, de nouveau avec ma poussette et Sidney, je croise deux charmantes aïeules.
L'une des deux me demande gentiment :
-C'est votre premier?
Un peu plus je l'aurais embrassé!
Alors, minaudant et flattée je rectifie :
-Non,non. je suis sa grand-maman.
Surprise de la si charmante dame d'un certain âge, qui se tourne vers sa copine.
-T'entends ça, Hilga?
Hilga n'entends rien, elle a oublié son sonotone ou elle l'a réglé sur "pause".
-Hein?
-C'est sa grand-mère!
-Heiiin?
-Sa grand-mère!! Tu crois ça?
-Hein?...Noooonn?
Dans l’étonnement, elle manque de lâcher son déambulateur.
Je me retiens d'embrasser Hilga aussi.
Elles me détaillent des pieds à la tête comme si j'étais une extra-terrestre.
Et puis, je sent poindre la prochaine question que je devance :
-Ma fille à 20 ans.
Genre : "non, je ne suis pas la mère d'une ado inconsciente que je n'aurais pas su briefer sur la question des capotes et autres moyens de contraception."
La, je rejoint totalement la petite maman indoue, qui en plus d'être très jolie, ne paraissait pas du tout ses 30 ans.
Pourquoi je vous raconte tout ça?
-Oui! bonne question! pourquoi?
Tiens, te revoilà toi! pour ceux qui ne connaitrais pas, de temps en temps, une part de moi s'adresse à l'autre.
Il y a celle qui écrit, et celle qui juge, au fur et à mesure.
Parce que je suis en constante auto-critique.
Parfois, ouvertement.
La c'est donc le cas.
C'est moi et ma conscience.
Ma raison plutôt.
Je n'ai pas deux personnalités schizophréniques, mais comme tout le monde, je suis constituée de plusieurs côtés qui s'accordent ou s'opposent suivant les cas.
-Bon alors?? on peut savoir? ou tu va encore nous raconter ta vie? changer de sujet et te perdre dans les interminables bla-bla auxquels tu nous a habitué?
C'est gentil ça!
-Non!! c'est réaliste, bon tu va nous le dire alors?
Alors quoi?
-.....(cette partie de moi se demande comment elle pourrait étrangler l'autre)
Je ne sais plus, je déteste quand on me coupe la parole, après je ne sais plus ce que je voulais dire. Ca vient de ma mémoire à court ter..
- Tu disais..(gros effort pour s'auto-contenir). Tu voulais nous dire pourquoi...
..je vous raconte tout ça.
Voilà. Mes deux petites histoires du début ont des points communs.
La peur d'être jugée.
L'image que l'on veut donner de soi, au-delà des apparences.
Même à des parfaits inconnus, l'espace de quelques minutes.
En parlant des apparences,elles ne sont pas si trompeuses, ni importantes.
Les gens se fient à leur propre vision, pas à celle qu'on s'évertue à leur renvoyer.
-Je sens que tu va nous dire ? tu veux en venir. (Léger soupir)
Ouiiii! Exactement!!
Donc, si les personnes qui nous côtoient se font leur idée sur nous quel que soient notre propre réalité ..:
et qu'en plus ces idées seront autant diverses et nombreuses que peuvent l'être les personnes en question,
A QUOI BON TENTER DE CORRESPONDRE A QUOI QUE CE SOIT D'AUTRE QUE CE QUE NOUS SOMMES VRAIMENT.
-Je sens que je vais encore avoir mal à la tête.
Mais non, c'est tout simple et très logique tout ça.
Pourtant nous continuons tout les jours à nous vêtir et nous comporter de la manière que nous pensons être en adéquation avec ce que l'on exige de nous.
-En même temps, c'est un peu normal! tiens, je vois mal une vendeuse de la Migros venir travailler en robe du soir, en chantant la Traviata.
Ni Roger Federe disputer un match en  sous-vêtements et remuer son popotin entre deux balles sur la danse des canards!!??
Bien sûr! mais pourquoi le feraient-ils?
Je ne dis pas qu'il faut faire n'importe quoi.
Simplement rester soi-même.
Tiens, Rodgeur, il a sa propre ligne de vêtements.
Tandis que la caissière,  se paye des ongles customisés panthère pour embellir son outil de travail.
Donc, jusque là, nous sommes d'accord, tout est simple et logique.
Soyons nous-mêmes, on ne peut pas plaire à tout le monde.
Mais vous me connaissez, j'aime chercher la petite bête, et elle n'est pas loin.
La voilà.
Nous ne comprenons pas toujours pourquoi nos parents ne nous écoutent pas, lorsque nous voulons les aider.
Mais nous oublions que, eux aussi, ils nous jugent.
Et le problème réside là, justement dans ce qu'ils ne nous disent pas.
Exemple : le garçon qui veut aider sa mère à ne pas tomber sous l'emprise d'une soeur alcoolique qui profite de sa faiblesse.
Il s'ennerve devant cette mère qui ne l'entends pas, croît-il.
Mais si elle lui disait vraiment ce qu'elle pense?
Le soucis qu'elle s'est fait et se fait encore à son propos à lui.
Parce qu'il n'y a pas si longtemps, lui aussi se saoulait jusqu'à plus soif et rentrait dans des états pas possible, quand il rentrait.
Pour lui, c'est loin, tout ça, il à refait sa vie depuis.
Mais pour elle qui à 30 ans de plus, 10 ans, ce n'est pas si loin, c'était hier même.
Mais elle ne veut pas revenir sur le sujet, c'est trop douloureux.
Et sa fille? elle s'en occupe, c'est son combat quotidien.
Celui qui la fait exister pour quelque chose.
La priver de son aide serait la rendre, elle sa mère, dépossédée voir inutile.
Nos motivations aussi discutables soient-elles nous appartiennent.
Alors qu'importe les raisons, si elle y trouve son compte.
Et ce fils  dont elle n'est pas plus fière, qui veut lui dire comment gérer sa vie.
Ca l'ennerve.
Ultime argument, le fils me dit qu'il qu'elle ne va pas bien.
Sous-entendu : si ce n'est pas la faute de ma soeur, son attitude parasitaire aggrave les choses.
Mais lui? Et si c'était son insistance, son intolérance, sa mauvaise mémoire de ses propres failles, les responsables '
Re-sous-entendu : si ce n'est pas la faute de son fils, son attitude ingérante n'arrange rien.
- Toi, tu juges tout le monde.
Arrête!j 'essaie de comprendre!!
-Tu peux appeler ça comme tu veux...
Et la soeur? la soeur bien sûr, en veut à son frère.
Elle connait ses  faiblesses, ses erreurs de parcours et ne supporte pas qu'il débarque soudain dans leur vie.
En voulant tout régenter, sous prétexte que c'est sa mère aussi.
La mère voit ses enfants se déchirer..et ça non plus  ne l'aide pas.
Pourtant je ne doute pas des bonnes intentions des uns et des autres.
Donc voilà déjà ce que je voudrais dire à mon ami.
Tu veux aider? alors commence par reconnaitre que toi non plus tu n'es pas tout blanc, que tu n'as pas tout résolu
et que juger tes proches fausse toute ta démarche.
Apaise le jeux. Pardonne-toi tes faiblesses, compatis avec la maladie de ta soeur.
L'alcoolisme est une forme de toxicomanie : une maladie.
Contrairement à toi, ta soeur est présente tout les jours dans la vie de ta mère.
Le soucis qu'elle lui cause, l'attention qu'elle demande, c'est peut-être la manière qu'elle à de lui exprimer son amour.
Ou de payer sa dette.
En tout cas, ce n'est pas à toi d'en juger.
-Et pas à toi non plus.
Je sais! mais je veux comprendre pourquoi ça me travaille tout ça, alors je dois aller jusqu'au bout de mon raisonnement.
Donc, mon cher ami, quand je t'entends parler si durement de ta soeur, te faire autant de soucis pour une mère que tu as toi-même passablement inquiêté. je te trouve
présomptueux de vouloir régenter sa vie. Leur vie.
Mais de quel droit?
Parce que tu t'inquiête pour sa santé?
C'est un droit ça?
Non. Un fait ,rien de plus.
Alors, puisque c'est vraiment le cas : calme le jeux.
Introduit de la compréhension et de l'amour dans ta démarche.
Tu verra les choses autrement.
Déjà arrête de croire que ta mère est une pauvre chose faible et sans volonté qui joue les héroïques en dissimulant ses douleurs.
Nos mères sont aussi imparfaites que nous.
Aussi manipulatrices.
Si vraiment elle avait quelque chose à cacher, tu ne le saurais pas.
Si elle sème des indices, c'est pour une bonne raison.
A ton tour de t’inquiéter?
Je peux envisager quand même que réelement ta soeur à sa part...
Vous avez tous votre part.
Elle , la fille préférée, toi et ta jalousie.
Quoi que tu fasses , tu n'y changera rien.
Alors? Pourquoi ça me travaille autant?
Parce que je n'ai pas la solution.
Il y a trop de comptes à régler.
Pourtant je sens que c'est là, tout près.
Au début de mon histoire.
Si j'y reviens je constate que :
la maman indoue à vu que j'étais la grand-maman et je lui en ai voulu .
Tandis que j'aurais embrassé les mamies qui m'ont pris pour la maman.
J'en déduit que je préfère que l'on croie ce qui m'arrange plutôt que d'assumer la vérité.
C'est le cas de tout le monde dans cette histoire.
Sauf mes deux mamies du début, qui elles, ont dépassé ça.
Vivre et laisser vivre?
Est-ce qu'il faut attendre d'avoir 90 ans un sonotone et un déambulateur pour ça?
non! moi ce que je veux c'est évoluer.
Mais pourquoi alors, le comportement de mon ami m'ennerve tant?
Qu'est-ce que nous avons en commun?
De ne pas avoir encore tout résolu.
Mais moi, je ne me mêle pas de la vie des autres...
-Ahahahahahah!
Oui bon, d'accord, je me mêle.
Voilà ce que je crois :
La famille est  comme un atome.
Avec un noyau et des électrons qui se balladent autour.
Les électrons ont beau se ballader, ils seront toujours liés à cet atome là.
On rêve tous que quelqu'un arrive dans notre vie, ouvre notre porte et nous dise : tiens, prends tout est là.
Mais si ce que l'on nous donne est moins bien que ce que nous avons déjà.
Alors on devrais être capable de retourner chez nous en appréciant le contraste.
Une autre image qui me vient ; celle d'une amie qui reçoit une offre très intéressante
mais ne supporte pas que l'on puisse faire la même à sa copine,
Comme si elle était jalouse. comme si ça diminuait sa part.
Que ça la rendait moins  intéressante.
Alors qu'on est unique.
Et si je n'avais pas de solution parce que j'avais déjà résolu le probléme?
Et si il était encore ailleurs?
Dans l'incapacité qu'il me reste à m'imposer comme "celle qui sait".
Au moins que l'on prenne mon opininon en compte? que l'on admette mon besoin d'aider.
Ou que j'accepte que l'on se passe de moi.
Finalement, j'y arrive.
-C'est pas trop tôt.
Tout ces besoins, de reconnaissance, d'amour, ces dépendances, me ramènent à
la même conclusion que hier, ou presque.
Hier, je disais : être.Aujourd'hui, je dis : "exister".
On pourrait aussi dire : "se sentir". Comme me l'a suggéré Gisèle
par une phrase d'Amélie Nothomb.
Enfin, là, j'en arrive à exister.
C'est pour cela qu'on s'agite désespérément comme des électrons autour de nos noyaux.
Exister, c'est out ce que l'on peut faire pour se sentir vivant.
Se sentir mal ou bien, qu'importe, pourvu que l'on se sente.
Exister pour soi ou les autres aussi n'a pas d'importance, pourvu que l'on soie vivant.
C'est pour ça que la mort travaille tant la plupart de nous.
Que nous aimons nos animaux dont le temps passé à nos côtés sera plus bref.
Qu'ils nous touchent tant par leur dévouement sans faille.
Un dévouement que nous n'aurons jamais et que certains méprise.
Ce sont les mêmes qui ne respectent pas non plus les autres humains.
Tandis que d'autres les comparent et à ce jeux, les animaux sont toujours gagnants.
Est-ce présomptueux de croire qu'à présent, j'ai compris ce que d'autres peinent à admettre?
Nous avons tant besoin d'exister que nous le faisons,
à tort ou à raison.




05:19 Publié dans histoire vraie | Tags : vie, tort, raison | Lien permanent | Commentaires (2) | Trackbacks (0) |

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Commentaires

tout est toujours relatif cat;
tu es une vieille pour les gamines et une jeunette pour les mamies ;
et tu ne peux pas imposer le fait que tu sais, car nul ne possède l'omniscience,
on détient souvent un petit éclat de vérité qui illumine notre vision, mais on ne peut pas toujours appréhender la totalité de la réalité

Écrit par : clara | 08/05/2012

Très juste, Clara, je sais bien que je ne sais pas, et quelque chose me dérange que je n'ai pas trouvé.. j'ai creusé pourtant :)

Écrit par : Cat | 08/05/2012

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