Bien à Bienne : Les pauvres et Noêl

Les pauvres et Noêl

23/12/2011 | Les pauvres et Noêl

4h31.
Bienne est une petite ville ou tout se sait très vite.
Ou parfois la rumeur enfle si rapidement qu'elle dépasse ses protagonistes et engendre des situations très ridicules.
Genre :
Je suis avec une amie. Elle croise un copain.
Nous nous arrêtons pour discuter.
Je ne le connait pas.
Mais , je comprends dans la conversation qu'il parle de ma soeur.
Et soudain, j'hallucine.
Il dit :
-Ah Véronique, ça va. Mais ça soeur! Oulala! Elle c'est une sacré -Thût!-( Bruit de censure qui rime avec le mot caché).
Interloquée! je lui demande.
-Pourquoi tu dis ça? tu la connait?
Je ne lui laisse pas le temps de répondre. Je me présente :
-Sa soeur, c'est moi.
Suit un vague gargouilli et des excuses énergiquement vaseuses..
-Euh non, non, c'est pas possible, enfin, je suis sur que c'est pas vrai..
J'en rajoute :
-ah oui? Comment tu peux le savoir, si c'est juste ou pas?
-Ben non, ça se voit que non...pis on m'a raconté des conneries ..etc..etc..

Qu'est ce que je veux dire par là?
Que qui que vous soyez, quoi que vous fassiez, il y aura toujours des gens pour raconter des mensonges sur vous.
Et il y a ceux qui vous atteignent.. et ceux qui vous laisse froid.
Par exemple, si quelqu'un me traite de "prostitué", ça ne me fait rien.
Pourquoi? parce que non seulement c'est faux, mais aussi parce que je ne vois pas ça comme une injure, à la base.
Après, ça dépends du ton et de l'intention.
Mais il se trouve que j'ai le plus grand respect pour ces dames qui exerce la profession de péripatéticienne.
Il en faut. C'est un travail très dur, ou il faut payer de sa personne, et qui ne laisse pas indemne celle qui le pratique.
J'ai eu la chance de m'entretenir quelques fois avec des professionnelles du sexe tarifé et chaque fois, je fut frappée par leur bon sens, la lucidité profonde de leurs propos.
Propos qui différent suivant l'âge et la nationalité de la personne, mais d'où ressortais toutefois une certaine souffrance commune.
Leur propre souffrance, mais aussi celle d'une part de l'humanité qu'elles s'évertuent à soigner.
Alors, qu'on me traite de putain si on le veut, ça glissera comme l'eau sur les plumes d'un canard.
Par contre, qu'on ne vienne pas mettre en cause d'autres points qui me touchent vraiment.
La, je vois ça comme une intrusion et je peux devenir mauvaise! Mais je ne mors pas.
Parfois, il suffit d'attendre un peu et l'occasion de prendre une revanche bien mérité se présente toute seule.

Bienne est une petite ville.. est-ce possible que les représentants des "Cartons du Coeur" aient lu l'article que j'ai écris sur eux?
Vu l'attitude curieusement désagréable auquel j'ai eu droit la dernière fois qu'ils sont venu, je me demande...
Ce qui me fait rire, c'est que peut-être, ces gens ont regardé et apprécié "le père Noêl est une ordure", vous savez?
le film cultissime de la troupe du Splendide.
Pourtant le thème, c'est exactement ça.
Une satire des bonnes oeuvres.
Anémone en bourgeoise coinçée qui tricote des gilets improbable pour un Thierry Lhermitte à lunette qui fini par pêter un plomb et montrer son vrai visage.
Alors ç'est ça. On veut bien en rire, mais ça ne peut concerner que les autres...
Pourtant, si on y réfléchi, nous sommes toujours "les autres" de quelqu'un nous aussi.

Mais il faut avoir été dans le besoin pour s'en rendre compte.
Le soir de Noêl en particulier.
Quand la bonne dame, en sécurité derrière sa table-frontière du bien et du mal, vous sert les invendus d'un grand magasin avec le sourire de circonstance.
Ce n'est pas écrit sur son front, mais on le devine quand même à son regard.
Elle pense :
-Comment? je n'ai pas droit à plus de reconnaissance? Pourtant, ce que je lui sert le vaut bien!
Mais nous, les pauvres, on s'en fiche. On à même pas faim. On est en Suisse, on trouve toujours quelque chose à manger.
Mais ce soir là, on à cru (ah ah! ) que l'on pouvait se réunir entre "pauvres" pour fêter Noêl.
Et voilà qu'on nous offre le spectacle, avec un pseudo humoriste qui n'arrive pas à nous dérider et fini par nous insulter parce qu'on à pas assez ri.
Le froid glacial de la salle  n'est pas du à la température.
On est encore plus déprimé, encore plus exclu.
Heureusement, ce n'est pas partout pareil.
Mon histoire se déroulait à la Chaux-de-Fonds, il y a quelques années.
A Bienne aussi, je me suis senti terriblement mal en allant faire Noêl dans les locaux d'une église quelconque.
Tandis que je mangeais un truc pas terrible , avec une moue irrépressible, le pasteur-aumônier-curé, s'approche et tente de communiquer.
Je vous assure, il faut l'avoir vécu pour ressentir comme les *bonnes gens" peuvent être inconsciemment blessant.
Vous imaginez? Vous êtes au restaurant et soudain, un homme d'église s’approche et vous tiens son discours  rabâché tant de fois qu'il en à perdu le sens.
Qu'est ce que vous feriez?
Vous l'enverriez paître,en vous sentant pleinement dans votre bon droit.
Eh ben voilà.
Nous les pauvres, on ose pas.
Parce que cette nourriture peu appétissante : on vous l'offre!
Enfin.. "offre"  ce n'est pas tout-à-fait juste, puisqu'on attends quelque chose en retour.
Que vous écoutiez poliment.
C'est déjà là que ça commence à coincer.
Vos dents se serrent, vos muscles se tendent.
Parce qu'il vous reste tout de même une chose qui n'a pas de prix.
Une chose qu'on essaie de vous arracher des deux mains.
Au point que votre àme vous fait mal.
La dernière chose que vous voulez garder pour ne pas sombrer :
votre dignité.
Attention, je ne dis pas que les pauvres n'aiment pas les cadeaux, au contraire!
Mais le pauvre à ses petites exigences.
Alors, si vous avez décidé de faire une bonne action, je vais vous dire, ce qu'il apprécie :
-Si c'est un pauvre que vous connaissez, alors, il appréciera que ce soie un cadeau normal, par rapport à ses gouts.
Ne faites pas l'erreur de dépenser une fortune pour quelque chose! Le pauvre vous en voudra parce qu'il aurais eu besoin de cet argent pour autre chose.
Vous voulez faire plaisir, vraiment plaisir à un pauvre? vous êtes sur?
Alors, donnez lui 100 balles.
La vous êtes absolument certain de ne pas vous tromper.
Mais attention, encore une fois : ne vous trompez pas de pauvre.
Celui ou celle qui vous tends la main pour réclamer une pièce à la gare n'est pas forcement un vrai pauvre.
Par contre, la petite maman qui élève seule ses enfants, alors là, oui, si vous la voyez porter ses commissions avec peine, avec les cheveux fatigués, des cernes sous les yeux..
faites une vraie bonne action.
Et n'oubliez pas que c'est elle qui vous fera une grâce en acceptant votre présent, et non l'inverse.
Pour pouvoir être généreux, vraiment généreux, alors, il est nécessaire que quelqu'un tienne le rôle de celui qui reçoit.
Pour vous, 1oo francs, ce n'est pas une  grande somme, mais pour elle...!!!
Etre celui qui donne reste la meilleure place!  Et vous voudriez en plus qu'on vous baise les pieds?
Non, pas vous, pas mes lecteurs et mes lectrices que j'adore.
Je sais que parmi vous il y a des pauves, ou ex-pauvres. Et aussi des généreux, ses, des vrais.
Généreux de leur temps ou de leur argent.
-Tu exagère!! Encore!! Il n'y a pas de pauvres en Suisse!
Tu rigole! bien sûr qu'il y en a.
Ce que je constate encore, c'est qu'avoir le moral fait se sentir plus riche.
Alors, pour en revenir à Bienne, qui est une petite ville ou tout se sait..lorsqu'on est pauvre, on peut se sentir vraiment exclu.
c'est une sorte de spirale infernale.
On devient invisible.
C'est justement pour ça que la dignité est si importante.
C'est elle qui vous fera redresser la tête.
Qui vous fera assumer de ne pas avoir de voiture, de n'être pas parti en vacances.
C'est elle qui, quand je dis que je me sens bien à Bienne et que je n'ai plus autant envie de voyager, me rends plus sincère que si j'avouais que je n'ai pas les moyens de partir.
C'est elle qui fais que je préfère vraiment donner que recevoir.
Que je peux l'écrire en comprenant bien que ce n'est pas par vanité.
Juste de la logique.

Pour finir, je vous dirais quand même une chose : le plus beau cadeau de cette année, c'est la vie qui me l'a fait.
En faisant de moi une grand-maman.

06:52 Publié dans histoire vraie | Tags : pauvre, noêl, suisse, cadeaux, dignité | Lien permanent | Commentaires (1) | Trackbacks (0) |

Trackbacks

Voici l'URL pour faire un trackback sur cette note :
http://bienabienne.bleublog.lematin.ch/trackback/1042848

Commentaires

très beau texte ;
joyeux Noël et à lundi ; bisous

Écrit par : clara | 23/12/2011

Écrire un commentaire