Bien à Bienne : Mlle F.

Mlle F.

06/08/2010 | Mlle F.

Ces derniers temps..le temps justement n'est pas aussi merveilleux qu'on aimerais qu'il soie. Et je suis horriblement déçue parce que j'avais espéré voir, ce soir
la pluie d'étoile filante.
J'ai bien de la chance de profiter des lumières astronomiques de Clara qui est une grande passionnée du sujet. Un autre sujet qui la "travaille" , c'est celui des apparences.
Moi aussi, ça m'interpelle.
Vous savez déjà que je suis un être contradictoire et que je suis capable d'avoir des avis tout-à-fait opposés sur la même question.
Comment dire? Je repense a Mlle F. pour qui j'ai voulu que vous ayez une petite pensée. Parce qu'elle est mourante.
Cette petite pensée, elle sera un peu comme le cadeau que j'ai reçu l'autre jour, les feuilles à plastifier que je n'ai pas pu acheter tout de suite. Et quand je suis revenue au magasin, un monsieur les avait payées. Un joli geste désinteressé d'un inconnu pour une inconnue. Et ça m'a fait plaisir.
La c'est encore plus joli, parce que vous ne la connaissez surement pas et en pensant, ne serait-ce que le temps de lire cette ligne, à elle, alors elle recevra votre bonne énergie.
Et surement que, toute seule au fond de son lit d'hopitâl, elle le sentira.
Mais surtout, elle gardera intacte sa fierté.
Parce que, la Mlle F. que je connait, est une femme simple et peu coquette. On ne dirais pas qu'elle à dépassé la soixantaine. Ell s'habille simplement aussi, sans recherche particulière.Au point que. quand je l'imagine, je serais incapable de dire ce qu'elle portais. Par contre, elle était toujours impeccable. Ses chaussures lui servaient à marcher et devaient être confortable mais surtout pas tape-à-l'oeil. Bleu foncé. Les pantalons pareils. Pas un millimètre de tissus en trop ou en pas assez. Ses cheveux courts, ses lunettes. Un air à la fois sévère et souriant. Et ce regard qui vous vrille, qui vous sonde l'âme. Juste un instant. Rien dans son comportement ni dans sa mise n'est exessif. Elle vous regarde le temps qu'il faut, elle vous parle pareil. Comme si ell était régie par tout un tas de limites qui m'impressionnant toujours un peu. Comme si j'avais quelque chose à me reprocher et qu'elle l'aurait vu tout de suite. Un self-control. Sans être austère! il y avait son sourire qui s'attendrissait sur le chat devant la maison. Pas son chat, non, elle vivait vraiment seule. Un chat du quartier qui, en bon chat qu'il est, se postait sur le mur, attendant la venue de Mlle F. Il devait savoir qu'elle n'allait pas bien. Les chats n'ont pas besoin qu'on leur demande pour proposer leur aide. Les chats sont "docteurs", "Chat-mann", par nature.
Alors, elle qui voyait tout, s'arrêtait quelques instants pour le caresser et s'étonner qu'il l'attende ainsi chaque jour.
Et moi, j'aimais la voir, un peu moins stricte, un peu attendrie.
Je ne l'ai pas encore dis, mais Mlle F. est suisse-allemande.
Nous qui habitons à Bienne savons que sous les clichés se cache une bonne part de vérité
. Le suisse-allemand sérieux et travailleur, droit avec la tête dure et carrée
. Le suisse-romand : noçeur et "j'm'en foutiste" incapable de faire l'effort de parler une autre langue que la sienne.
Bien sûr, ce n'est pas vrai!
Mais tout-de-même, avec sa droiture, son physique de marcheuse et d'autres détails, ses cheveux blonds naturel (toujours la même coupe un peu masculine), son absence totale de coquetterie, Mlle F.
ne peut être que suisse.allemande. Son français est parfait, son accent présent sur sa voix que je reconnaîtrais entre mille. Une voix qui n'appartiens qu'à elle : un timbre clair, plein avec des intonations joyeusement controlées. Comme son humeur, toujours égale.
Jamais je n'aurais imaginé qu'elle soie si malade.
Seul le chat savait...

Mlle F. avait une soeur, qui est décédée il y a peu. Mais je ne l'ai jamais vue avec qui que ce soit. Je l'imagine faisant partie d'un club de marcheur, par exemple. Elle ne donnait pas l'impression d'être isolée. Comme si elle contrôlait, se satisfaisait de de ce qu'elle avait, de qui elle était. Sans en tirer de fierté. Juste de la droiture avec une légère pointe moqueuse , à peine perceptible dans son oeil ..Un oeil de merle.

Voilà, c'est le tableau que je peindrais de Mlle F. celui qui me vient à l'esprit lorsque je pense à elle. Je crois qu'il est fidèle, qu'il lui conviendrais. Ce n'est pas une image, pas une apparence qu'elle cherche à donner, c'est elle, profondément elle.

Alors voilà...un jour, elle est partie pour l'hopital, tout ce sait dans la petite rue ou elle habite. Sa maisonette fait partie d'une lignée, juste à côté de celle de ma mère. Une dizaine de petites maisons, bien suisses, avec des petits balcons en fer forgé fleuris de géranium rouge. Collées les unes contre les autres, avec des belles portes en bois vernis précédées de quelques escaliers de pierre. C'est là que je la rencontrais, ou sur le chemin qui mène au bus. Et on discutait quelques mots. "Comment va votre maman?", le temps qu'il fait..jamais intrusive, jamais superficielle. Une distance respectueuse et humaine.

Dans sa rue donc, elle est respectée et appréciée. Elle ne cherche pas à plaire et convient à tout le monde. La voisine idéale, celle à qui on confie les clé de son appartement.

Et maintenant, que reste-t-il de Mlle F. ? De tout ce qui faisait Mlle F. ?
Pas grand chose.
Elle est partie, sans dire adieu. Mais savait-elle qu'elle ne reviendrais pas?
Elle n'est pas encore morte,
mais elle le sait,
elle est trop gravement atteinte,
son foie..
sa voix qui la définissait si bien n'est déjà plus la même.
C'est peut-être pour ça, qu'elle ne réponds pas au téléphone de l'hopital?
Mais ma mère, même si elle n'est pas suisse-allemande a la persévérance de ses racines paysannes. Elle à insisté. elle à laissé sonner.
Connaissant Mlle F. je suis sure qu'elle ne voulait pas que cette sonnerie obstinée puisse déranger quelqu'un. Elle à fini par répondre.
Mais ce n'étais plus "sa" voix.
Je me doute aussi qu'elle doit avoir terriblement maigri, parce que c'est ce qui se produit généralement, quand on a le foie atteint.
Tout ce qui représentait Mlle F. n'est plus.
Alors, d'accord, son esprit est intact. Pourquoi se cacher, refuser des visites qui pourraient lui faire du bien?
Non, le regard des autres sur ce qu'elle est devenu lui serait insupportable.
Ce physique, cette mise "correcte", ce soin qu'elle mettais à se présenter à son immuable façon est irrémédiablement perdu.
Alors oui, ce n'est "que " son apparence, mais sans elle  l'esprit de Mlle F. se sent trop démuni.
Son apparence , sa construction physique et vestimentaire c'était, chez elle, la projection de son esprit.
Elle ne peut concevoir l'un sans l'autre.
Mais tout de même, elle n'est pas encore morte! et son intêret distant mais sincère pour les autres, son besoin de communiquer aussi est encore vivant.
Elle à accepté que ma mère lui téléphone à nouveau.
Voilà. En écrivant ça, je commence à comprendre ma chère Alabama.
C'est sûrement un peu pareil pour toi, non?
Bien sûr, et ça rends la chose encore plus injuste, tu n'es pas une demoiselle âgée. Tu es une magnifique jeune femme, aux longs cheveux soignés. dans un tailleur classe, avec tes lunettes de soleil
griffées, ton sac de femme moderne à l'épaule, tes escarpins et une note de parfum haute-couture...ton sourire aux dents parfaites, rayonnant, rayonnantes. Voilà ton apparence, mais pas seulement, voilà la projection de ton esprit. En jeans et T-shirt aussi, avec un borsalino sur tes beaux cheveux aux reflets ocres, tu es magnifique, éclatante.
Alors, forcement, avec la chimio, avec la persistance de ce cancer des poumons...qui s'accroche à toi, qui te fatigue, qui te détruit peu à peu..alors ce que ton corps reflète ,n'est plus la projection de ton esprit. Ton esprit si vif, si avide de culture, si empathique...
Alors, ça te gêne, et je le comprends, maintenant, parce que ce n'est pas toi. Et c'est là que je comprends aussi ce que dis Clara, toi c'est ton esprit.
Mais ton corps n'en est plus l'apparence.
Ce que nous offrons aux autres lorsqu'ils nous regardent, ce que nous voyons de nous dans le reflet du miroir. Qie se passe-t-il quand nous en perdons le controle? quand malgré nous notre image nous échappe au point de ne plus nous reconnaitre?
A ce sujet, deux exemples me viennent spontanément :
-L'ami que je vais voir a l'hopital après sa chute d'un échaffaudage, chute qui le rendra handicapé mental . Le choc devant son crâne nu piqueté d'acier. Un autre ami, pourtant costaud, s'est évanoui en le voyant.
Et son regard, les lettres qu'il a tracé sur son ardoise quand je lui ai demandé si je pouvais revenir : non.
- Mon image dans le miroir quand je me rase la tête entièrement, la première fois surtout. Malgré que cela soie volontaire. Je mets un temps à m'accepter et le comportement des autres n'est pas du tout le même suivant mon apparence.
Et dans les périodes de ma vie ou j'allais moins bien et que cela se voyait, tout était plus difficile, comme je souffrais de ce regard posé sur moi, comme si j'étais quelqu'un d'autres.
Alors l'apparence est superficielle, certes, mais notre corps et la façon dont nous le représentons volontairement dépasse le stade de l'apparence quand il est la projection réelle de notre esprit.
Ce qui est beau dans une culture ne l'est pas forcement dans une autre.
C'est pour cela que notre image, c'est nous. Et que si elle nous échappe ça peut devenir une souffrance supplémentaire.
Et je regrette aujourd'hui d'avoir tellement insisté auprès de toi, ma très chère Alabama, pour que tu arrive à supporter ton visage sans cheveux pour l'encadrer. Ca n'est pas toi.
Et contrairement à Mlle F. tu as eu le courage d''en parler, tu ne t'es pas sauvée au cimetière des éléphants . Tu as pris sur toi, tu as cherché des astuces, des foulards des pperruques...
Et même si je reste persuadée que ta beauté n'a pas besoin de poils, aussi soyeux et bien coiffés soient-t-ils .
Mais moi, ce n'est pas toi.
Et cette phrase résume pour moi toute la complexité des apparences.
Celles qu'on montre.
Celles qu'on perçoit,
Chez soi.
Chez les autres.
Les apparences trompeuses
Les apparences réelles.
Celles qui nous sont imposées.
Celles qui sont les nôtres, indissociables de notre esprit tant qu'on est en vie.
Logiquement, à cet instant, j'en arrive au moment ou la mort change complêtement toutes ces données. Notre corps devient un viieux manteau qu'on peut bruler puisqu'il est usé.
Et notre esprit immortel, enfin n'a plus à se soucier de son fond de teint, ni de quoi que ce soie d'autre d'ailleurs. Libre et vivant éternellement. Dans un absolu bien-être.
Mais heureusement,  pour nous qui les aimons et qui avons encore envie d'en profiter d'une manière terrestre, Mlle F. et Alabama sont toujours là.
Elles communiquent avec nous de la manière qu'elles ont choisie. C'est déjà un beau cadeau. Même si c'est très peu pour Mlle F. c'est ce qu'elle est encore capable de donner de sa personne:
Sa voix.
Alabama donne beaucoup plus. Elle écrit, elle est avec sa famille et elle fait cette chose que je trouve aussi inhabituelle que géniale:
elle prépare son propre enterrement.
Ca mérite un autre article tant ses démarches et sa façon de voir les choses sont de l'ordre tragi-comique ! Oui oui, j'ai bien écris "comique". Car l'humour c'est l'essence même d'Alabama.
Entre Humour et Amour, il n'y a que deux petites lettres de différence.
Voilà ce que je voulais dire aujourd'hui.
Autant je suis contre les apparences lorqu'elles sont dictées par a société, autant je les trouve importantes lorsque ce sont les nôtres que l'on veut préserver.

Ce n'est pas les apparences qu'il faut changer, mais le regard que l'on à sur elles.

Sur ces bonnes paroles, je vous embrasse bien fort!

04:57 Publié dans histoire vraie | Tags : apparences.étoiles, alabama | Lien permanent | Commentaires (3) | Trackbacks (0) |

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Commentaires

quel bel article , intelligent;

dans une certaine mesure l'habillement est un choix , une volonté de montrer ce que l'on veut projeter à la société; et toutes les nuances sont de mise , mais ça peut être à double tranchant ; c'est aussi une armure pour se protéger
cependant , encore faut il avoir les moyens d'assumer son choix
tout n'est donc pas possible à tout le monde, de plus cette armure peut aussi projeter une image autre que celle voulue , car tout le monde n'a pas les mêmes codes de "beauté"
je connais une jeune femme née avec un bec de lièvre ;
opérée plusieurs fois pendant son enfance , elle reste encore "différente" ; quels préjugés doit elle affronter? doit elle vivre cachée car elle n'a pas une apparence normale?
pourtant quand elle parle elle séduit car elle a une vraie beauté qui la transcende; doit on se cacher quand on devient difforme ou vieux?

Écrit par : clara1 | 06/08/2010

Bonjour Cat
Je ne suis pas encore au stade de Mlle F mais cette maladie va trés vite.Bien sur on sait qu'avec l'âge une certaine décrépitude est ineluctable mais quand on vieillit une année aprés l'autre on a le temps de s'y faire.Ce qui est terrible avec cette maladie c'est la rapidité avec laquelle les changements s'éffectuent.Tu perd tes cheveux en 3 semaines et definitivement le crâne rasé ce n'est pas moi et ça ne le sera jamais.Tu ne peux plus travailler,faire du sport,boire ,voyager,sortir.Tout ce que j'aimais.Les gens croient que je suis courageuse d'arrêter la chimio.C'est archifaux ,j'ai juste hâte de partir avant de souffrir trop et surtout avant de trop me délabrer.Bien sur l'intérieur est important mais notre apparence fait partie intrésèque de notre personnalité que ça nous plaise ou non d'ailleurs.

Écrit par : sonia | 06/08/2010

Mon plus vieux souvenir de Mlle F c'est à la clinique dentaire (si c'est bien d'elle qu'il s'agit). je vais vite lui envoyer pleins de bonnes ondes positives....bisous soeur

Écrit par : vero | 06/08/2010

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